Les terrasses des bars et des restaurants qui rouvrent en France ; une finale de la Ligue des champions, samedi 29 mai, à Porto, avec 16 000 spectateurs présents ; le Portugal qui autorise la venue des touristes européens sur simple présentation d’un test Covid-19 négatif… Partout en Europe, un début de normalisation de la vie quotidienne est entamé. Mécaniquement, l’économie connaît un soudain et fort redémarrage.
Vendredi, l’indicateur du sentiment économique de l’Union européenne (UE), qui est un sondage mensuel réalisé auprès des consommateurs et des entreprises, a fait un bond de quatre points, à 114,5 points, nettement au-dessus de sa moyenne de long terme de 100 points. C’est son plus haut niveau depuis la crise financière de 2008, à l’exception de quelques mois en 2017.
Vaccinations et plan de relance
La première raison de cet optimisme est la vaccination qui bat son plein. En Europe, presque trois adultes sur dix ont reçu une première dose. De plus, les restrictions s’allègent un peu partout, à l’image du déconfinement français qui va s’accélérer le 19 mai. Ensuite, les économistes de la Commission attendent un coup de fouet grâce au plan de relance européen, qui tarde à se déployer en raison du processus de validation dans chaque État membre. Les premiers versements de plusieurs milliards d’euros, qui seront alloués au plus tôt cet été, vont faire gagner plus d’un point de croissance.
Dans le monde, l’Europe n’est pas la seule dans une dynamique positive. En Chine et aux Etats-Unis, l’économie repart également fortement, ce qui sera bénéfique aux exportations européennes et françaises. L’important plan de soutien américain va donc, lui aussi, faire sentir ses effets sur le Vieux continent.
Une hausse qui se confirme depuis un an
Ces premiers résultats du mois de mai dans la zone euro confirment la tendance observée par Eurostat en avril dernier. L’organisme annonçait, pour les 19 pays de la zone euro, une progression de l’indice des prix à la consommation de 1,6 % sur un an (contre +0,3% en avril 2020). Avec +1,6%, la France s’inscrit donc dans la moyenne des pays de la zone euro.
Pour rappel, la Commission prévoit une inflation en zone euro de 1,7% en 2021 et 1,3% en 2022. Si l’on prend l’ensemble des pays de l’Union européenne, l’inflation est de 2% sur l’année écoulée (contre 0,7% un an auparavant).
Si les hausses des prix atteignent des niveaux élevés, c’est notamment en raison de l’impact des mesures monétaires et budgétaires massives mises en oeuvre depuis le début de la crise du coronavirus. Toutefois, il faut rappeler que les dix-neuf pays de la monnaie commune ont déjà connu des niveaux élevés d’inflation : en 2011 et 2012, elle était respectivement de 2,7 et 2,5%.
En dehors des pays européens, le Royaume-Uni, sixième puissance mondiale, doit également faire face à une hausse de l’inflation, à +1,5% sur un an, au plus haut depuis le mois de mars 2020. Une progression tirée par l’explosion des prix de l’immobilier résidentiel (+10%).
Aux Etats-Unis, dont plusieurs économistes redoutent que l’inflation soit « exportée » vers l’Europe, notamment via la hausse des matières premières, les chiffres sont également au plus haut. L’inflation sur douze mois s’est fortement accélérée, à 4,2% par rapport à avril 2020, contre 2,6% en mars, selon l’indice des prix à la consommation CPI publié le 12 mai par le département du Travail.
Un contraste fort avec d’autres régions du monde
Le retour de la récession au sein de la zone euro contraste fortement avec d’autres régions économiques du monde. En effet, le Bureau of Economic Analysis (BEA), l’organisme en charge du suivi de la conjoncture et de la production de données économiques aux États-Unis, a annoncé, quasiment au même moment, une croissance de 1,6 % du PIB américain au cours du premier trimestre 2021.
L’écart entre les deux zones économiques s’accroît à nouveau, comme le montre le graphique ci-dessous. Celui-ci compare les trajectoires du PIB aux États-Unis et au sein de la zone euro, à partir d’une référence commune : le quatrième trimestre de l’année 2019. Depuis lors, le niveau du PIB américain a systématiquement été plus élevé que celui du PIB de la zone euro.
Fin mars 2021, les États-Unis ont quasiment retrouvé le niveau d’activité économique de fin 2019, tandis que le PIB de la zone euro demeure à un niveau inférieur d’environ 6 % à celui qui était le sien avant le déclenchement de la pandémie de Covid-19.
Comparaison de PIB en zone euro et aux Etats-Unis
Deux facteurs principaux expliquent la divergence constatée entre les États-Unis et la zone euro :
- L’état de l’épidémie de Covid-19, tout d’abord. Alors que la campagne de vaccination est bien plus avancée aux États-Unis, l’Europe a connu au début de l’année 2021 une résurgence de l’épidémie.
- L’ampleur des soutiens budgétaires aux économies, ensuite. L’administration Biden a mis en place, dès début mars, des mesures budgétaires supplémentaires destinées à stimuler l’économie américaine, avec notamment la distribution de chèques à la plupart des ménages, tandis que, dans le même temps, le plan de relance européen tarde à se concrétiser.
Pour la BCE, la situation est temporaire
« La poussée d’inflation observée aujourd’hui aux États-Unis et à un moindre degré en Europe est très probablement transitoire et non durable, et donc elle ne devrait pas faire apparaître de hausse visible des taux d’intérêt », a réagi ce lundi Patrick Artus, l’économiste en chef de Natixis.
Pour le moment, les responsables de la Banque centrale européenne ne semblent pas s’alarmer de ce frémissement inflationniste. Fabio Panetta, membre du directoire de la BCE, a récemment soutenu dans un entretien au quotidien japonais Nikkei que la poussée de fièvre des prix à la consommation est « temporaire ». Et ce lundi 31 mai, Ignazio Visco, membre du conseil des gouverneurs de la BCE, a annoncé que l’institution ripostera à toute remontée brutale des taux d’intérêt qui ne serait pas justifiée par les conditions économiques.
Si les prochains chiffres de l’inflation en Europe poursuivent leur envolée, la réunion de politique monétaire de la BCE prévue le 10 juin sera propice pour confronter les déclarations des gouverneurs à leurs actes. L’institution basée à Francfort pourrait bien continuer à acheter de la dette sur le marché à un rythme « nettement plus élevé » au troisième trimestre, comme elle l’a fait depuis mars pour parer à la hausse non désirée des taux obligataires.
Bourse et reprise économique
Ce dernier a une nouvelle fois inscrit un record, à 448,19 points, porté par l’annonce aux Etats-Unis d’un recul plus important que prévu des inscriptions au chômage et de l’accélération de la croissance du produit intérieur brut (PIB) au premier trimestre, à 6,4% en rythme annualisé.
Le rythme de la reprise économique a suscité des inquiétudes quant à une éventuelle envolée de l’inflation, bien que les membres de la Réserve fédérale aient multiplié les messages rassurants.
Les investisseurs suivront avec attention les statistiques mensuelles des revenus et dépenses des ménages aux Etats-Unis à 12h30 GMT, qui incluent l’indice des prix « core PCE », le baromètre de l’inflation privilégié par la Fed.
« Les investisseurs, rassurés sur la reprise économique, vont désormais se focaliser sur les pressions inflationnistes et vont attendre de la Fed une définition claire et un horizon précis de ce qu’est pour l’institution une ‘inflation transitoire’. A ce stade, la tendance de fond n’est pas remise en question même si les catalyseurs se font plus rares et les investissements plus réfléchis », écrivent les analyste de Saxo Banque.
Les investisseurs seront également attentifs à la présentation par Joe Biden d’un projet de budget annuel qui porterait les dépenses fédérales à 6.000 milliards de dollars, selon le New York Times.